Jeffrey Epstein est un nom peu connu de ce côté de l’Atlantique. Les médias européens travaillent à y remédier mais d’une façon assez particulière, comme vous allez voir. En attendant, aux États-Unis, la mèche du plus gros scandale de pédophilie de l’histoire est allumée. L’explosion à venir laissera des traces.
Un milliardaire pédophile légendaire
Jeffrey Epstein, 66 ans, fait carrière dans la banque privée Bear Stearns avant de fonder son propre cabinet de gestion. Discret sur ses clients, il entretient un carnet d’adresse extrêmement fourni l’amenant à côtoyer les personnalités riches et célèbres du monde – politiciens, hommes d’affaires, vedettes de cinéma. Il acquiert ainsi de précieux mandats de gestion qui le rendent richissime.
Autant que son goût de la fête, son attirance pour les femmes très jeunes, voire trop jeunes, n’est un secret pour personne. Avant les années 2000, il achète l’île de Petit Saint-James dans les Îles vierges américaines. Il commence à la transformer – en éliminant la végétation indigène, en entourant la propriété de palmiers imposants et en plantant deux énormes drapeaux américains à chaque extrémité. L’homme a choisi ce lieu pour sa discrétion ; lorsque des guides amènent les plongeurs dans des lieux proches de l’île, les agents de sécurité se déploient sur les rives. Mais on se doute de ce qui s’y passe. L’île est surnommée Pedophile Island par les habitants des îles voisines.
L’éloignement de son repaire ne pose pas de problème à notre homme, car il dispose de son Boeing 727 personnel. L’avion, dont il se sert également pour faire la navette de filles mineures entre New York et Palm Beach, est plaisamment surnommé Lolita Express, selon le roman où un homme manœuvre pour coucher avec une fille de douze ans. Il est équipé d’un lit. Un employé est à bord pour s’assurer que des victimes mineures soient toujours « disponibles pour assouvir les besoins du patron » dès son arrivée.
L’avion ne sert pas qu’à Epstein. Il transporte aussi des invités de marque. Nous y reviendrons.
Jeffrey Epstein se fait finalement rattraper par la justice. Classé délinquant sexuel, il est condamné en 2008 à une peine de dix-huit mois de prison pour prostitution sur mineure. Il passe un accord avec le procureur de Floride dont la teneur est tenue secrète, même de ses victimes. Alors qu’il encourt des décennies de réclusion, la peine est extraordinairement douce. Dix-huit mois de prison, dont il ne fait que treize. Son aménagement de peine lui permet de passer ses journées à son bureau. Sa cellule privée est la plus luxueuse qui soit.
Dire qu’Epstein a bénéficié d’appuis en haut lieu serait un euphémisme. Nous y reviendrons aussi.
Après cet épisode, Jeffrey Epstein se fait plus calme, mais à peine. Il passe bien moins de temps aux États-Unis. Il y est arrêté récemment pour trafic de drogue et complot, lors d’une brève halte à New-York. L’affaire est relancée : entre 2002 et 2005, loin de simplement coucher avec des mineures, il aurait payé des filles de 14 ans non seulement pour des faveurs sexuelles mais aussi pour en recruter d’autres. Il s’agirait donc de proxénétisme aggravé avec des mineures. Il aurait aussi frappé certaines de ses victimes, et peut-être pire encore. Du matériel pédophile a été retrouvé sur ses appareils électroniques. Une soixantaine de jeunes filles auraient été victimes de son réseau.
Plaidant non coupable sur les accusations de proxénétisme sur mineure et de proxénétisme en bande organisée sur mineures, il encourt une peine de 45 ans de prison en cas de condamnation. Il est assez riche pour se payer de bons avocats ; ceux-ci rejettent les chefs accusation en disant qu’ils tombent sous le coup de l’accord extrajudiciaire de 2008. La justice répond que cet accord valait pour l’État de Floride et non pour celui de New-York où il vient d’être arrêté. Et tous les projecteurs se braquent sur cet étrange accord extrajudiciaire de 2008 signé avec le procureur de Floride.
Pourtant, même la relance de cette affaire, maintenant en 2019, ne doit rien au hasard.
Jeffrey Epstein, un modèle d’affaire original
L’histoire prend une tournure ahurissante. Elle est en plein développement.
Nous disions que, dans une saine attitude de partage des ressources, Jeffrey Epstein avait l’habitude de prêter son Boeing 727 Lolita Express à des amis. Les gens qu’il fréquentait, les personnalités riches et célèbres du monde. Mais, en homme avisé, il tenait aussi des comptes de leur passage dans un petit carnet noir, qui a fuité.
Bien des politiciens, hommes d’affaires, vedettes de cinéma devinrent très nerveux avec cette histoire de milliardaire pédophile. Bill Clinton, par exemple, qui, bien que personne ne lui ait jamais rien demandé, s’est empressé après la nouvelle arrestation d’Epstein de déclarer aux médias qu’il n’était monté « que quatre fois » à bord du Lolita Express – et uniquement pour des voyages visant à promouvoir la lutte contre le SIDA.
Une telle grandeur d’âme force le respect, encore que l’ancien Président puisse choisir des moyens de transport moins polémiques, mais c’est faux. D’après le carnet de bord d’Epstein, Bill serait monté à bord du Lolita Express vingt-six fois. Et pratiquement à chaque fois qu’il était à bord, il y avait aussi des filles mineures.
Quelques-uns de ses autres passagers ?
Ralph Fiennes
Alec Baldwin
David Blaine
Jimmy Buffett
Courtney Love
Charlie Rose
Barbara Walters
Ehud Barak
Tony Blair
David Koch
John Gutfreund
le Prince Andrew de la famille royale d’Angleterre
...Et Donald Trump. Mais nous y reviendrons.
Bien entendu, le fait qu’une personnalité ait fait un petit vol sur le Lolita Express ne signifie pas forcément que des actes répréhensibles selon la loi et la morale aient eu lieu. Mais si ces trajets se multiplient, on peut tout de même se poser des questions.
Comment Jeffrey Epstein est-il devenu riche ? Il n’est pas trader. Mais nous savons que c’est un homme avisé, comme en témoigne son petit carnet noir, et qu’il est adepte de pratiques sexuelles déviantes, comme le sexe avec des fillettes. Se pourrait-il qu’il ait d’autres déviances, comme le voyeurisme ?
Se pourrait-il qu’il ait installé, que ce soit sur son île privée ou dans son jet de luxe, des caméras pour filmer ses ébats... Ou ceux de ses invités ?
Se pourrait-il qu’il ait obtenu ainsi un moyen de pression absolument fantastique contre le gratin des grands de ce monde ?
Se pourrait-il que ses nombreux amis, sensibles à ses arguments, lui aient confié leur argent à l’aide d’un mandat de gestion ? Comme l’explique Quantian, un utilisateur de Twitter, une fois que la victime a compris que ses ébats sont sur vidéo, le reste est simplissime :
« Il suffit alors de lui demander de virer ses économies sur un fonds offshore dans un paradis fiscal (tiens, comme celui d’Epstein) et personne ne verra la liste des clients (comme pour Epstein). Bien sûr, vous ne connaissez rien à l’investissement, mais vous faites plutôt des sottises sur le trading de devises (comme Epstein), et personne à Wall Street n’a jamais échangé avec vous (comme Epstein).
Un virement de 20 millions de dollars du milliardaire X sur votre compte bancaire, sans raison évidente, soulèverait de nombreuses questions. L’IRS voudrait certainement savoir ce que vous avez fait pour le justifier. Mais des frais trimestriels de 5 millions de dollars pour la gestion d’un actif d’un milliard de dollars ? Personne ne hausse le moindre sourcil. »
La prospérité d’Epstein pourrait reposer sur un racket de la pire espèce, mais cela expliquerait aussi pourquoi ses victimes haut placées aimeraient tant que l’individu reste libre. Peu importe qu’il paye pour ses crimes ou non - le véritable danger est dans sa bibliothèque de vidéos, qui pourrait contenir les ébats de nombreuses personnalités de premier plan avec des prostituées mineures.
Ce n’est pour l’instant qu’une théorie, mais elle tient la route. Et elle explique aussi la suite.
Le Meilleur Ami Pédophile de Trump, ou la genèse d’une fake news
Un événement singulier a lieu depuis quelques jours : une étonnante falsification de l’histoire se coordonne entre Wikipédia, Google, et les grands médias d’Amérique et du monde. Dans cette falsification, les liens nombreux et puissants entre Epstein et le clan Clinton et autres Démocrates disparaissent, pour être remplacés par des liens superficiels avec Trump mis au premier plan. Et seuls ces derniers subsistent.
Les pages Wikipédia sont ainsi discrètement éditées. Les recherches d’images et les associations dans Google sont subtilement modifiées. Dans Le Figaro, Jeffrey Epstein devient « le milliardaire proche de Donald Trump ». Il y a des centaines d’exemples.
En version française, l’article de Valérie de Graffenried dans les colonnes du Temps est un bijou du genre. Les sous-entendus subtils s’associent aux délicats arômes de passages sous silence pour concocter un magnifique bouquet de désinformation.
Comme tout bon journaliste vous le dira, tout mensonge doit être entremêlé de vérité. Il y a des faits indéniables. Ainsi, le procureur qui scella l’accord de 2007 avec Epstein est Alexander Acosta qui est devenu ministre du Travail de Donald Trump, explique la journaliste. La trame implantée est à peine visible. Est-ce parce qu’il a scellé l’accord de 2007 avec Epstein qu’il est devenu ministre du Travail de Donald Trump ? La réponse est évidemment négative – parce qu’Acosta n’était pas le premier choix de Donald Trump pour ce poste. Et parce qu’en 2007, personne, peut-être pas même Trump, ne savait qu’il serait président dix ans plus tard.
Alexander Acosta n’est peut-être pas exempt de fautes et pourrait se faire rattraper par cet épisode, mais l’histoire est plus compliquée qu’il y paraît. Le juge qui valida cet accord, par exemple, était un appointé de Bill Clinton. Et Acosta a témoigné avoir subi des pressions à l’époque pour le pousser à une transaction – une source en haut lieu aurait ainsi affirmé qu’Epstein était « d’une catégorie supérieure » et devait être protégé « parce qu’il était lié aux services de renseignement ». Or, il existe des preuves écrites d’un lien entre le FBI et notre pédophile. Et qui était directeur du FBI à l’époque ? Un certain... Robert Mueller. Mais tout ceci n’est probablement que le fait du hasard.
Si Jeffrey Epstein avait été amené à « collaborer » avec des services de renseignement, on n’ose imaginer les moyens de pression dont disposeraient les fonctionnaires de ces agences vis-à-vis des puissants de ce monde, américains ou étrangers, corrompus par un voyage sur le Lolita Express.
Dans les articles européens, on ne verra pas mention des vingt-six voyages en avion de Bill. On ne verra pas les nombreuses donations d’Epstein à des organisations démocrates, des ONG de gauche et à la Fondation Clinton. On ne fera pas mention des 3,5 millions de dollars donnés à Clinton par Epstein via un compte suisse.
Trump, en revanche, perçut assez vite Epstein pour ce qu’il était – un type intéressé par les filles jeunes, « parfois un peu trop jeune ». S’il côtoyait socialement le milliardaire comme beaucoup d’autres membres de la jet-set, il le fit chasser de son club exclusif de Mar-a-Lago après qu’Epstein se soit montré pressant envers la fille de quatorze ans d’un employé du club, avec interdiction de jamais y remettre les pieds.
En fait, il est peu probable que Trump ait jamais cherché à protéger Epstein, non seulement parce qu’il n’avait absolument aucune influence sur la politique et la justice américaine avant son élection, mais surtout parce qu’il a probablement tout à gagner à ce que les réseaux d’Epstein tombent avec le proxénète.
Un zeste de vertige
Livrons-nous à un peu de spéculation. Ressortons du placard la fameuse « théorie du complot » du Pizzagate - une page Wikipédia qu’il est bon d’archiver au vu de ce qui pourrait se produire ces prochaines semaines.
Vous ne vous rappelez pas le Pizzagate ? « Une théorie conspirationniste prétendant qu’il existe un réseau de pédophilie autour de John Podesta, l’ancien directeur de campagne d’Hillary Clinton, par le biais de diverses interprétations et constructions, notamment en rapport avec une pizzeria et des courriels privés divulgués par WikiLeaks. »
En fait il s’agit moins de pizzas que de mots-clés employés dans des courriers pour mentionner autre chose. Citons encore l’article de Wikipédia :
Dans sa correspondance qui paraît anodine, John Podesta mentionne plusieurs fois les mots pizzas, fromages et pâtes. Herbert Sandler, un agent immobilier demande dans un message à John Podesta intitulé fromage « tu penses que je ferais mieux de jouer aux dominos sur du fromage ou sur des pâtes ? ». Dans un autre courriel, Tony Podesta écrit à son frère « Mary n’est pas libre. Tu aimerais avoir une pizza pour une heure ? ». Un 4channer pro–Trump (sic) lit les nombreux messages et pense déchiffrer un code utilisé pour communiquer en toute discrétion. Cheese Pizza, dont l’acronyme est CP serait utilisé pour parler de Children Pornography. Pizza désignerait une fille, domino pour domination, cheese signifierait petite fille, hot dog pour garçon, pasta pour petit garçon, glace veut dire gigolo et sauce pour orgie. Le mot « pizza » est en effet employé comme mot de code pour désigner des notions en relation avec la pédophilie. Déjà en 2010, l’Urban Dictionary indiquait pour « Cheese Pizza » le sens de « child pornography ». En octobre 2017, un homme a été arrêté aux États-unis comme suspect d’activités pédophiles parce qu’il avait placé une annonce intitulée « "Woman/Moms that are into Cheese Pizza » et que, selon l’U.S. Attorney’s Office, « Cheese Pizza » est un mot de code pour pornographie enfantine.
Qui commande des pizzas « pour une heure » puisque « Mary n’est pas libre » ? Qui « joue aux dominos sur du fromage ou sur des pâtes » ? Dans leur sens usuel, ces phrases n’ont absolument aucun sens.
Mais, nous sommes d’accord, et les rares esprits indépendants du grand public se sont vus suffisamment bourrer le crâne pour qu’on n’en parle plus. Le Pizzagate est juste une théorie du complot, les grands médias (au-dessus de tout soupçon comme chacun sait) s’étant empressés de le démontrer.
Maintenant, entre les 26 vols de Bill à bord du Lolita Express, les étranges mails de John Podesta, les protections en haut lieu dont a visiblement bénéficié Jeffrey Epstein en 2008, il paraît difficile de penser que le volet judiciaire de l’affaire ait été traité en totale indépendance.
Il va de soi que rien de tout cela ne serait jamais ressorti sous la présidence d’Hillary Clinton. Mais l’impensable s’est produit, Trump a été élu. La protection que s’accordaient les uns les autres semble se fissurer. La vérité éclatera-t-elle ?